Memoria
Une horticultrice écossaise spécialisée dans les orchidées rend visite à sa soeur malade à Bogota en Colombie. Au cours de son séjour, elle se lie d’amitié avec une archéologue française, en charge du suivi d’un projet de construction, et avec un jeune musicien local. Chaque nuit, elle est dérangée par des détonations de plus en plus fortes qui l’empêchent de dormir…
Critiques
Il est souvent question de rêves extraordinaires et de sommeils profonds dans le cinéma enchanteur d’Apichatpong Weerasethakul. Memoria, à l’inverse, débute avec une héroïne tirée brutalement de son sommeil par un bruit violent, brutal. D’où vient ce son ? Quelle est sa nature ? L’énigme est déjà parfaitement insolite et devient de plus en plus vertigineuse au fil du film. […] Jessica porte le même nom que le personnage envoûté dans Vaudou de Tourneur. Le cinéaste confie : « J’imagine un scénario dans lequel Jessica Holland, personnage comateux du film Vaudou de Jacques Tourneur, se réveille. Elle se retrouve à Bogota, attirée par un rêve ou un traumatisme dont elle ne se souvient pas. Elle marche, s’assoit et écoute ». C’est évidemment une clef – au son hypnotique et lointain des tambours dans Vaudou succède ce BANG majuscule dans Memoria, vers lequel on se dirige dans un drôle d’état. Les différents niveaux de conscience chez le cinéaste, qu’il s’agisse de rêverie, de méditation ou d’hallucination, amènent à porter un regard plus sensible sur le monde qui nous entoure, sur ce qui est visible ou ne l’est pas. www.lepolyester.com
Dès la première séquence, avec ce bruit non identifié, ces plans fixes vertigineux, ce vide fantomatique et cette mise en scène à la lenteur affichée, l’œuvre prend des allures de film apocalyptique. C’est un univers qui va bientôt peut-être s’éteindre devant nos yeux, ou alors c’est un chant du cygne qui ouvre ses portes au personnage de Jessica. Une très grande scène de cinéma. Mais ça ne sera pas la seule. Constitué de deux parties distinctes, une plus urbaine et réflexive, une autre plus naturaliste et méditative, comme on peut en avoir l’habitude chez le cinéaste, Memoria est un bloc qui se vit d’une traite : où l’on scrute alors Tilda Swinton errer dans un Bogota silencieux, aussi luxuriant que tamisé, et chercher la provenance de ce bruit, telle la foudre qui aurait frappé son âme. Ce bruit, fil rouge conducteur de l’œuvre, est comme un écrin de possession, une obsession : un matériau qui lui permet de saisir son lien avec son milieu originel. www.lemagducine.fr
Une femme cherche à comprendre d’où lui vient le bruit qu’elle entend régulièrement dans sa tête, une sorte de détonation violente, métallique. Il lui faut d’abord tenter de définir ce son et de le reproduire par la technique. Puis elle se laisse guider par lui dans un voyage de plus en plus ouvert aux sens et totalement hypnotique, comme Weerasethakul en a le secret. […] La protagoniste du film se nomme Jessica Holland, comme la femme zombifiée du Vaudou de Jacques Tourneur, et les deux films ont en commun une manière infiniment suave d’abattre progressivement les frontières du temps et de l’espace, de diluer les oppositions entre passé et présent, monde des morts et territoire des vivants, sensations tangibles et expériences métaphysiques, réalité et rêve, veille et sommeil… Bref, le cinéma dans sa plus belle définition. www.cahiersducinema.com