Les Habitants
Une femme qui, sur les conseils dʼune statue de Saint-François, se prive de nourriture pour plaire au Seigneur. Un enfant qui, fasciné par la guerre civile au Congo, se déguise en Noir et se fait appeler Lumumba. Un facteur bien indiscret, un garde-chasse myope et stérile, un boucher à l'appétit sexuel débordant qui ne manque pas dʼimagination pour capturer ses proies. Voici quelques éléments dʼune comédie des plus insolites sur la vie des habitants dʼun lotissement perdu, dans le Nord de lʼEurope.
Critiques
La grande capacité du cinéaste est de mettre en scène un univers unique, à la fois évocateur par l’utilisation d’images quasi-publicitaires telles qu’on pouvait les concevoir à l’aube des années 60 (le boucher, le facteur tatiesque, la religion, le professeur des écoles, etc) tout en dynamitant ces codes en montrant les travers de ce microcosme. Autrement dit, la mise en scène est double. D’un côté, elle recrée un monde artificiel, où les arbres sont bien rangés, où les rues sont propres et où chaque personnage joue à merveille son rôle. De l’autre, elle effectue un travail de démolition en révélant les frustrations sexuelles des uns, les folies des autres, l’endoctrinement aveugle à la religion plus loin encore, etc.
Les Habitants nous offre un portrait à la fois hilarant et terrifiant d’un monde bizarre, véritable miroir contemporain de notre propre capacité à nous désincarner au profit d’apparences à sauvegarder à tout prix, tout en gardant un œil réprobateur sur notre voisin. Perdu au milieu de nulle part, aux confins des esprits de Jacques Tati, Wes Anderson et Luis Bunuel, tout en étant paradoxalement unique, Les Habitants est une sorte de voyage étrange qui ne laissera pas indifférent. On pourra y suivre plusieurs pistes de lectures qui appellent ainsi plusieurs visions, aux interprétations parfois diverses. La religion, bien évidemment, est méchamment égratignée, mais aussi pêle-mêle l’ordre, la colonisation, le conformisme, la standardisation, dans un savoureux jeu de massacre iconoclaste dont on ne peut que rire jaune, même vingt ans après.
Un film, miroir pas si déformant de notre propre malaise, à redécouvrir de toute urgence, délicieux moment de misanthropie qui bénéficie d’une ressortie providentielle.Source : www.1kult.com