La nuit des rois
La MACA d’Abidjan, l’une des prisons les plus surpeuplées d’Afrique de l’Ouest. Vieillissant et malade, Barbe Noire est un caïd de plus en plus contesté. Pour conserver son pouvoir, il renoue avec une funeste tradition du lieu : à la prochaine lune rouge, un prisonnier de son choix devra raconter une histoire pendant toute la nuit, à défaut de quoi il périra.
Critiques
Là où l’on pensait découvrir le quotidien (sordide et sans espoir) de ces hommes parqués dans une succursale terrestre de l’enfer, nous voilà donc plongés dans un récit épique aux accents shakespeariens, qui emprunte à la fois à Shéhérazade et aux réalités contemporaines ivoiriennes, entre violence, misère et déterminisme. […] En parallèle, la lutte de pouvoirs entre les deux détenus se teinte peu à peu d’une forme de réalisme magique, et il fallait tout le talent de conteur du cinéaste Philippe Lacôte pour réussir ce grand écart entre le naturalisme de la prison, qu’il parvient à faire admirablement exister avec très peu de choses, et la dimension ouvertement fantastique qui vient le contaminer. De manière générale, on est impressionnés par l’ambition esthétique du film qui tire le meilleur parti de son décor et de ses centaines de figurants, à la fois dans les scènes oppressantes du huis-clos et dans les séquences oniriques du conte. www.ecrannoir.fr
Le film oscille entre deux violences, une enfermée et une autre libre. La MACA est paradoxalement un lieu très ouvert, les hommes y circulent comme s’il n’y avait pas de cellules. Pour tenir, Roman nommé ainsi par « le roi », raconte l’histoire sans fin d’un gang d’enfants qui nous amène de façon fantastique dans les exactions militaires en Côte d’Ivoire. C’est un conte dans le conte, on regarde le temps de cette nuit où tout se joue, les histoires avancer. À la fois celle racontée par Roman et celle de Roman même qui joue sa vie. Les acteurs sont magistraux. […] Dans ce lieu-monde, les corps parlent beaucoup, la danse intervient comme support au récit et la féminité trouve un chemin tordu et violent entre deux couloirs… toutelaculture.com
La nuit de Roman doit être longue et peuplée des personnages dont il doit compter l’histoire jusqu’à l’aube, entre peur de se faire tuer et incertitude sur son sort une fois le soleil levé dans le ciel. Le film souligne le pouvoir des mots pour alimenter les esprits et garantir la vie. L’apprentissage de ce pouvoir se fait en direct, jeté dans la fosse aux lions alors que le jeune homme apprend à manier les mots pour contrôler les esprits. Des personnages singuliers hantent les lieux, comme Denis Lavant se trimballant avec une poule sur l’épaule ou Steve Tientcheu dans le rôle massif de Barbe-Noire, lui qu’on avait aperçu dans le récent Les Misérables. […] La nuit des rois est une véritable expérience cinématographique puissante et terrifiante. Avec des personnages sans espoir mais pas sans volonté, le réalisateur invite à le suivre dans les méandres de l’esprit humain, jusqu’à l’aube et la continuation de la vie. publikart.net