Les mille et une nuits - L'Enchanté (vol. 3)

De Miguel Gomes
Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin
Sélection Quinzaine des Réalisateurs (Cannes 2015)
Portugal - 2015
2h05
conte, drame
VOST
diffusion : 2015
S
P

Dans un pays d’Europe en crise, le Portugal, un réalisateur se propose d’écrire des fictions inspirées de la misérable réalité dans laquelle il est pris. Mais incapable de trouver un sens à son travail, il s'échappe lâchement et donne sa place à la belle Schéhérazade. Il lui faudra bien du courage et de l'esprit pour ne pas ennuyer le Roi avec les tristes histoires de ce pays ! Alors qu’au fil des nuits l’inquiétude laisse place à la désolation et la désolation à l’enchantement, elle organise ses récits en trois volumes.

Vol. 3 : Où Schéhérazade doute de pouvoir encore raconter des histoires qui plaisent au Roi, tant ses récits pèsent trois mille tonnes : « Ô Roi bienheureux, quarante après la Révolution des oeillets, dans les anciens bidonvilles de Lisbonne, il y avait une communauté d’hommes ensorcelés qui se dédiaient, avec passion et rigueur, à apprendre à chanter à leurs oiseaux... ».

Critiques

  • Les mille et unes nuits de Miguel Gomes ne ressemble à rien de connu, c’est ce qui en fait un métrage si réjouissant. (…) Dans un pied de nez formidable à la crise, Gomes célèbre avec brio la force inouïe de l’imaginaire, seul rempart à la barbarie d’une société qui n’en peut plus d’endetter ses enfants. Bienvenue donc dans un monde où les animaux tour à tour s’expriment et implosent, où les terres prennent feu sous le coup d’une déception amoureuse et les politiciens ne peuvent plus stopper leurs érections. Que choisir dans cette profusion d’histoires, de contes et de faits divers ? Gomes nous guide dans son œuvre avec des cartons chapitres, interludes qui jalonnent le film. Pour raconter la crise sans pathos, le réalisateur choisit de rire de l’austérité sans l’éloigner de sa réalité actuelle. Et si c’était ça, le surréalisme ? (…) Face à la crise et au manque d’argent, la vraie richesse du peuple portugais réside dans ce pouvoir de rêver, parfois d’avoir peur et de réinventer sans cesse un quotidien moribond. Gomes s’empare d’une mythologie pour en créer une nouvelle, furieusement contemporaine, prouvant encore une fois quel grand cinéaste il est devenu. www.avoir-alire.com

  • Gomes déroule sa riche pelote avec une liberté, une aisance, une générosité et une inspiration confondantes, nous entraînant de surprise en surprise, débordant sans cesse les rails supposés de son film, dans la même tonalité foisonnante que Ce cher mois d’août. Et il épice ses histoires de mille détails inventifs : un mélange d’époques et de lieux avec ces chameaux et personnages d’antan qui déambulent sur les côtes portugaises, un dialogue amoureux en sms qui s’incruste dans l’écran, des tubes lusitaniens qui hantent la b.o., des blocs de retour au muet qui nous réapprennent la puissance d’émotion inouïe du silence complet dans une salle de cinéma, passages en douceur de l’humour maximal à la tristesse la plus poignante ou à la colère la plus noire. On repense aux contes pompiers et frelatés de Mattéo Garrone en regardant ébahis ces contes de Gomes, leur agilité vif argent, leur drôlerie désopilante, leur inscription à la fois dans la réalité la plus contemporaine et l’imaginaire le plus débridé, leur puissance d’évocation avec les moyens techniques et financiers les plus réduits, les plus humbles. cannes2015.lesinrocks.com